S’il est une chose que l’on remarque tout de suite en  voyant le Caporal Anderson, c’est  qu’il est, indubitablement,  quelqu’un de très propre sur lui. Pas une seule mèche de ses cheveux blonds qui dépasse, pas un pli à sa chemise, ni la moindre tâche d’encre sur ses doigts ou son uniforme. Les années ont beau passer, il conserve toujours cet inconscient complexe à cause de ses origines paysannes, qu’il n’assume pas vraiment. Il a beaucoup travaillé sur son élocution pour qu’elle fasse plus “Mur Sina”, en plus de toujours faire attention à être toujours le plus impeccable possible. Il ne supporterait pas de se faire traiter de pécore, vieux reste d’égo.

Il n’attire, de façon générale, pas vraiment l’attention. Ce n’est pas avec son mètre 76 qu’il se détacherait de la masse des autres soldats, de toute façon. Ses traits sont réguliers, sans cicatrices notables  : agréables peut-être, mais pas vraiment frappants. Sauf ses yeux, peut-être, d’un gris glacé, froid, qui donne l’impression de juger, toujours, la personne à qui il parle. Et ce n’est pas faux. Il décortique, il analyse, à la recherche de la moindre faiblesse qu’il pourrait exploiter. Sourit-il souvent ? Certes, mais pas toujours de façon sincère.  Rien de tel qu’un sourire pour endormir la méfiance de son interlocuteur après tout. Ca les met à l’aise, et ainsi, ils peuvent lâcher une ou plusieurs informations importantes. Et les informations, c’est le pouvoir.

Bien souvent,on a qualifié Bastian Anderson d’être une personne inaccessible, et c’est peut-être bien vrai. C’est une personne très détachée, en particulier avec les jeunes soldats des Brigades. A quoi sert encore de se mêler à eux, lors qu’ils sont si interchangeables ? Qu’ils ne lui apporteraient rien à part des soucis ? Il ne s’est pas engagé pour jouer les gouvernantes. Son travail est de diriger un  groupe de soldats, pas de les materner ou les écouter chouiner.  Il n’aime pas non plus qu’on lui tourne autour, qu’on essaye de s’attirer ses faveurs pour de l’avancement. Ou pour intégrer les Brigades, aussi bien.

Et pourtant il reste d’un calme quasi-olympien en toute circonstance. Chacun de ses gestes, chacune de ses expressions est soigneusement policée, sans un mot plus haut que l’autre. Même quand il est en colère. Ca ne sert à rien de montrer l’étendue de son agacement, à part le rendre vulnérable. Mais il n’oublie pas. Il n’oublie rien. Et trouve le moyen de se venger par derrière. Il n’a pas oublié à quel point son ancien supérieur lui refilait sa paperasse, à quel point il se moquait en le traitant de jeune bleu idéaliste ; et il n’aspire qu’à le surpasser en rang, pour pouvoir enfin lui faire vivre un millième de ce que lui avait vécu. Mais, le vieux renard, il a sans doute pour but de remplacer Dok, assassiné, paraît-il, par Smith - les querelles intestines pour la direction des Brigades ont bien commencé. Est-ce que Bastian se positionne sur ce créneau ? Peut-être..un peu..Mais il ne l’avouerait pas directement, ça jamais, il ne faudrait pas qu’il passe pour un  charognard, pas vrai ? L’image publique, ça compte.

Mais avant tout, Bastian a perdu toutes ses convictions. Le jeune homme qui s’était engagé dans l’armée des étoiles plein les yeux et des rêves pleins la tête ? Parti depuis longtemps. Même pendant ses années d’entraînement, il pouvait garder la tête haute, proclamer haut et fort ses rêves de rejoindre les Brigades et de protéger le Roi, de faire des Brigades un corps d’armée sain et respectable. Mais la réalité l’a vite rattrapé, piétinant tous ses rêves ; et maintenant il ne croit plus qu’en lui-même (même si une partie de lui sait qu’il n’est plus aussi compétent qu’avant à cause de son manque de contact avec les titans - des êtres ignobles qu’il méprise au plus haut point, et qu’il est bien content de ne pas avoir à côtoyer - il laisse, oups, laissait ça au Bataillon), et surtout les avantages qui viennent avec son rang de Caporal. Il n’a plus besoin de perdre son temps en mission sur le terrain, il dispose d’assez d’argent pour aider ses parents à vivre à Sina. C’est tout ce qui compte.

Il y a bien longtemps qu’il ne fait plus les choses sans arrière-pensée. Toujours son cerveau bouillonne, à réfléchir quel pourrait être son intérêt à faire telle ou telle chose. A calculer les risques, à évaluer ce qu’il pourrait y perdre ou gagner. Ce qui aurait pu lui permettre d’être bon stratège ; s’il avait rejoint un autre corps d’armée. L’idée de demander une mutation ne lui a jamais traversé l’esprit. Sa sécurité, qu’elle soit financière ou non d’ailleurs, passe avant tout. Par conséquent, il est très bien là où il est. D’autant plus que sa valeur est reconnue. Parce qu’il s’acquitte de ses tâches, consciencieusement. Peut-être que ses rapports ne sont plus aussi qualitatifs qu’à une époque, avant qu’il ne soit broyé par le système.  Mais eh, au moins il les fait lui-même. Pour briser un peu le cercle vicieux des Brigades, tout ça.

Peut-être qu’il n’a pas abandonné un de ses anciens rêves, au fond.

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Extrait de la correspondance du Caporal Anderson
                                                                                                                               
Cher papa, cher maman,

Me voilà arrivé au camp d’entraînement ! Ca a commencé très fort, avec les formateurs qui nous traitent assez durement. Certains sont même partis dés le premier jour. Je ne m’attendais pas à ça. Mais on n’est plus des enfants. On est des soldats maintenant, et on doit se comporter en soldats. Ceux qui ne peuvent pas endurer le régime qui nous est imposés doivent partir. Ils n’auraient pas fait de bons soldats.

Mais moi, j’ai la motivation pour ! Je rejoindrais les Brigades, j’en ferais un corps d’armée exemplaire, j’irais protéger le Roi ! Et je vous donnerai de l’argent pour que vous n’ayez plus à travailler à la ferme !

Je vous embrasse,

Bastian.


Olivia,

Je sais ce que tu vas dire, que j’aurais dû rester chez nous près de Karanese. Que ma vie aurait été plus sûre. Mais rester à la ferme, ce n’était pas pour moi. Je n’en pouvais plus, de passer mes journées à faire le foin, cueillir les patates, nourrir les bêtes, nettoyer leurs étables ou je ne sais pas quoi. Je voulais plus.  Mais je veux aider à protéger notre Roi des hérétiques qui veulent s’opposer à lui.  Est-ce que ça ne te plairait pas, d’aller vivre à Sina plutôt que de t’échiner toute la journée ? On vit dans un coin perdu, admets-le.
Mais je deviens un bon soldat, je t’assure.  Je gravirai les échelons, et je nous achèterai une jolie petite maison. Je travaille trop dur pour ne pas réussir à atteindre mes objectifs, j’en rêve la nuit parfois !

Est-ce que je t’ai dit que tu étais la personne la plus formidable du monde ?

Ton Bastian.

Olivia,
Le classement de cette promotion vient de tomber, et je ne sais pas comment réagir.
10 ème.
A un cheveu, j’aurais raté.
Je ne suis pas vraiment satisfait.
J’aurais pu faire mille fois mieux.

Ton Bastian.

Olivia,

Tu as raison, un milliard de fois. J’ai été stupide. Je ne suis jamais content, pas vrai ? Des milliers de personnes de ma promotion rêveraient d’être à ma place, et moi je chouine parce que mon classement n’est pas assez haut. Je ne me supporte plus, parfois.
Merci d’être là.

Ton Bastian.



Olivia,

La vie aux Brigades spéciales est d’une routine que tu ne pourrais pas imaginer. Les jours passent et sont tous semblables, et chaque jour mon supérieur me donne l’impression de se nettoyer les bottes sur ma tête. Il passe son temps à se payer ma tête, à m’appeler le nouveau, à se moquer de mon côté très appliqué ; et pendant ce temps, ce sont des feignasses lécheuses de bottes qui obtiennent des avancements. Je n’y comprends rien !

Je n’avais pas signé pour ça.
Ton Bastian.


Olivia,

Qu’est-ce que c’est que cette lettre que tu m’as envoyée ? Evidemment que j’ai changé ! Il a fallu que je change, je ne suis plus un enfant. Être exagérément optimiste ne mène à rien dans les Brigades, sauf à des désillusions et des déconvenues. J’ai appris qu’il fallait me salir les mains. Qu’il fallait ne rien dire. Essayer de réformer le système de l’intérieur est une utopie, ça ne sert à rien. Les officiers sont trop attachés à leurs privilèges. J’ai été assez chahuté en arrivant parce que j’étais trop gentil, trop utopiste, trop rêveur !

Bastian.


Olivia,
Adieu.
Mais rappelle-toi que tout ce que j’ai fait, je l’ai fait pour toi.
Bastian.


Chère mère,
J’ai reçu ma première promotion.Me voilà chef d’escouade. Je n’ai pas un pouvoir énorme, mais c’est plutôt flatteur que mes capacités soient ainsi reconnues. J’espère que vous allez bien, au village.
Bastian.


Chère mère,
Le mur Maria est tombé, et contrairement à ce qu’il s’est passé pour la Garnison, rien n’a changé pour les Brigades. Toujours la même routine, les mêmes riches à protéger, les mêmes rondes à effectuer. Ah, je vois pourquoi tout le monde veut vivre au mur Sina. On croirait presque que rien ne s’est passé. C’est fou tout de même.

Ah oui, j’allais oublier. Il paraît que le Bataillon a un nouveau Major désormais, un grand blond nommé Erwin Smith. Je l’ai déjà croisé, il m’insupporte avec sa façon de parler comme s’il était TELLEMENT plus intelligent que tout le monde.
Ma foi bon courage à lui.

Bastian

.
Chère mère,
Comme je l’avais écrit dans une lettre il y a bien des années, les jours passent et se ressemblent tous. La vie à Sina semble immuable, mais j’espère que toi et papa pourraient y vivre des jours plus heureux pour votre retraite. Être désormais Caporal des Brigades spéciales a du bon. Finies les missions de terrain toutes plus intéressantes les unes que les autres, bonjour la paperasse.

Bastian



Chère mère,

Pour la première fois depuis longtemps j’ai cru connaître la peur, quand j’ai entendu que le district de Trost a été attaqué. J’ai cru que le scénario d’il y a cinq ans allait se reproduire. Mais grâce à l’arrivée du Bataillon d’exploration, tout a été reglé. Il semblerait qu’ils méritent enfin leurs subventions, ceux-là !
Bastian.

Extrait d’un rapport du Caporal relatif au procès du dénommé Eren Jäger

“J’ai pour habitude de ne pas me mêler des affaires du Bataillon, mais cette fois c’est trop. Cette histoire à propos de cet Eren Jäger qui serait capable de se transformer en titan ne me dit rien qui vaille. .Smith a eu de la chance de pouvoir, une fois de plus, compter sur sa grande gueule et les talents de ce Levi. Personnellement ,je préconiserais de nous débarrasser de cette engeance de Titan. C’est une abomination qui ne devrait même pas exister.

Un jour, il finira par nous trahir.

Caporal Anderson."


Extrait d'une lettre à un chef d'escouade subordonné :

"Je sais que la situation actuelle est extrêmement compliquée.Que le  Major Dok a été assassiné, que le précédent roi est mort, que des rebelles ont malmené le Mur Sina. Je le sais. La situation actuelle est absolument inouïe, les Brigades semblent bien partir à la dérive. Mais c'est justement pour cela que nous devons garder la tête froide et nous serrer les coudes;non nous diviser à cause de la panique et de l'inquiétude (normales, devrais-je ajouter) que certains d'entre nous peuvent ressentir.  C'est ce que le Major Dok aurait voulu, certainement. Et surtout, nous devons nous réorganiser et décider de notre politique à l'avenir, mais je fais confiance à nos supérieurs pour nous guider. Dans tous les cas, le plus urgent semble de rétablir la paix dans le mur Sina, pour rassurer la population, et d'aider à reconstruire ce qui a pu être endommagé.
Caporal Anderson."