La branche d’un arbre érafla sa veste. Il faisait froid, malgré le fait qu’il serait bientôt midi tapant et en plein soleil. Relevant son tissu couvrant sa bouche, le jeune homme écarta de sa chevelure des épines de pins, tandis que sa monture chevauchait à plein galop. Obtenir une permission avait été difficile, mais vu son état de service, il lui avait été permis. S’assurer du transport des cadavres, en plus de la récente attaque contre sa personne suite à cette étrange rencontre dans la forêt avec cette femme aux cheveux pâles, lui avait donner un privilège ou deux. Il n’avait jamais été populaire, mais si on pouvait affirmer une chose de lui, c’était l’efficacité à laquelle il s’acquittait de ses devoirs de la Garnison.

Pourtant, plus il s’approchait du lieu du rendez-vous, plus il se demandait ce qui se passait vraiment avec Rashieka Bartels. Et qui était cette K.V. Il n’en connaissait personne et le nombre de lettres qu’il pouvait recevoir était rare, hormis les rares courriers importants. Si Rashieka était dans un pétrin sans nom au point de recevoir un message de la part d’une… connaissance ? alors que se passait-il? Le tout était troublant pour le jeune homme. Au bout d’un moment, sa monture arriva dans les environs du lieu de rendez-vous et il ralentit la cadence.

Autrefois, de ce qu’il savait, l’étable faisait partie d’une auberge beaucoup plus grande, mais qui avait disparu suite à un incendie accidentel né d’une bagarre d’ivrognes. Le reste était recouvert de végétation hormis l’étable, qui avait été plus ou moins épargné. Peut-être servait-il de lieu de rencontre secret entre trafiquants. Qui sait. Dans tous les cas, il dut mettre pied à terre et guider sa monture vers un recoin feuillu par lequel il pourrait le cacher à la vue de tous.

Ses bottes soulevèrent de la poussière, du sable et des babioles méconnaissables, usés par le temps. En s’approchant, il remarquait déjà des traces dans la terre. Vu la taille et la forme des bottes, il y devina que c’était une femme accompagnée d’un cheval. Un peu plus confus, il entra dans l’étable poussiéreuse. Il y faisait sombre par endroit. Mais son regard trouva facilement ce qu’il cherchait.

- K.V.

Elle était un peu plus petite que lui, mais l’intensité de son regard gris allait de pair avec la couleur foncée de ses cheveux. Il pouvait reconnaître une allure militaire, mais elle n’avait pas la gueule d’une Licorne de Sina. Il avait opté pour abaisser son morceau de tissu et sa capuche, révélant sa propre tignasse sombre et ses yeux d’un gris plus intense.

- Maintenant qu’on est là, autant aller droit au but. Rashieka Bartels ?

Le jeu d’ombre et de lumière entre eux donnait l’impression que deux animaux allaient se battre prochainement, tant la tension avait augmenter d’un cran.

Katerina Volkov.

Le nom ne lui disait absolument rien, mais l’initial était au moins respecter. Au nombre de fois où il avait dû rencontrer des informateurs aux surnoms et initiaux ridicules, était franchement étonnant et, dans certaines circonstances, hilarantes. Mais la situation présente ne se prêtait aucunement à l’humour, étant donné le but de sa rencontre ici. Il n’aurait jamais pensé se retrouver ici, dans un recoin oublié mangé par la végétation pour quelqu’un qu’il n’avait plus revu depuis… des semaines ? Des mois ? Éreintant était le mot pour décrire son quotidien. Patrouille régulière et intense, pacification d’émeutes face aux pénuries de nourriture, et plus encore.

- Une entrevue avec moi.

Il répétait calmement les propos de la rousse, comme s’il réfléchissait. C’était le cas. Il venait tout juste d’apprendre que Rashieka Barthels, celle qui aimait tant tenir à sa liberté était maintenant emprisonnée d’une vilaine dame qui était sa tante et qui la battait.

- Je ne suis pas vraiment à l’aise en costume, il faut le dire.

Ses bras croisés, il toisait Katerina.

- Si je comprends bien, une… peau de vache aurait réussi à marier de force Rashieka ? Étonnant de sa part. Elle est menacée avec quoi, un pistolet sur la tempe ?

Il ne manquerait plus que la pluie et le tonnerre, et cette rencontre pourrait devenir beaucoup plus sinistre. Un homme en capuche d’allure sinistre avec une jeune femme d’allure combative et franchement pas commode, ça supposait que ça allait vite tourner à la bagarre. Ce qui ne serait pas étonnant parce que, même s’il ne la connaissait pas, il devinait qu’elle n’était pas comme la plupart des idiots avec qui il travaillait.

- C’est clair que c’est une torture inextricable, hein ?

Le ton qu’il prit était tout aussi désagréable que le sien. Ce qui était étonnant à apprendre était le fait qu’elle se retrouve apparemment prise en otage avec quoi, une implication social, en plein Sina ?

- Je me répète. On la menace avec quoi ? Une arme à feu, un couteau sous la gorge à chaque instant ? Tu t’attends à ce que je me ramène avec un cheval et que je la sorte de là comme dans ces théâtre bon marché de saltimbanque ?

Le ton qu’il prenait était presque… en dérisoire. Voire même incrédule.

- Elle n’est même pas capable de briser une vitre et de se battre pour sortir de son merdier tout seul ?