Katerina avançait aussi discrètement qu’elle le pouvait, serrant sa cape sombre sur elle. Discrétion et silence, voilà quels étaient ses maîtres mots. Cela la changeait de d’habitude, incontestablement. D’habitude elle était aussi délicate et discrète qu’un taureau dans un magasin de porcelaine, bondissante comme un ballon et vociférant comme un coq, pleine d’énergie comme un jeune chiot. Ou presque ; la mort d’Immanuel l’avait changée, indubitablement, elle était plus sérieuse, un peu plus mature. Peut-être. Restait qu’elle n’était pas discrète de nature, et que pourtant, là, elle accomplissait ce qui pour elle était un exploit. (En même temps, passer inaperçue avec sa tignasse rousse, c’était assez difficile de base.) Mais là..habillée en robe (avec son pantalon en-dessous au cas la situation dégénère et que des coups de pieds s’avèrent nécessaires), avec un fichu sur la tête pour dissimuler ses cheveux..qu’elle avait tenté de teindre, tant bien que mal d’ailleurs, avec du charbon, histoire d’en cacher la couleur flamboyante, elle se sentait méconnaissable. Presque étrangère à elle-même. Pour les tâches de rousseur en revanche, ça c’était grillé, à moins de mettre une tonne de maquillage pas vraiment accessible pour une troufionne dans son genre.

Mais c’était pour la bonne cause. Elle était là pour accomplir la mission que Wilhermine lui avait confiée. Une mission importante, qui concernait l’avenir de sa famille. A défaut de pouvoir découper du Titan, ça lui permettait de s’occuper un peu. Ca l’empêchait de rouiller aussi, en gardant son esprit alerte. Elle était contente de ne pas être seule dans cette histoire cependant. Levi était avec elle. Evidemment. Ca la rassurait un peu, parce que quand même - ce n’était pas le soldat le plus fort de l’humanité pour rien. Il lui avait encore prouvé l’autre jour, pendant la séance d’entraînement qu’il lui avait proposée le jour où elle l’avait réveillé. Elle en avait encore des bleus. Jamais elle ne s’était sentie aussi impuissante, alors qu’il repoussait ses attaques si facilement qu’il aurait presque pu boire un thé en même temps. Heureusement qu’elle en avait tiré quelque chose, mais quand même ! Elle s’était sentie comme une gosse…

Enfin la question n’était pas là. Elle avait une ruelle à rejoindre maintenant, et sans attirer l’attention. Heureusement le brouillard était avec elle. Elle avait beau râler intérieurement parce qu’elle n’y voyait pas clair, il fallait admettre que c’était aussi un petit avantage pour cette histoire de filature. Mais Orvud, quand même. Elle savait que la Garnison du district n’était pas très efficace, trop peu habitués à affronter du titan. Mais sinon, elle n’en savait pas grand-chose.Ca lui semblait être un coin un peu paumé. Qu’est-ce que son métier ne lui faisait pas faire, des fois, ronchonna-t-elle dans sa tête, tout en cherchant le bordel où leur cible avait l’habitude d’aller. Sale porc ! A profiter de filles qui n’avaient pas eu de chance dans leur vie et se retrouvaient à vendre leur corps pour survivre. Le genre de personnes que sa belle-mère méprisait au plus haut point, comme si elle les jugeait sales. Katerina elle...elle avait plutôt de la compassion. Et ne pouvait que ressentir son privilège d’être née riche.

Son regard s’illumina alors qu’elle trouvait la fameuse ruelle qu’elle cherchait, et, bien dissimulé, le caporal. Elle hocha la tête ; un salut militaire pourrait les trahir. Elle avança, sans faire de bruit, jusqu’à son supérieur.

“Du nouveau ?” Direct, efficace, l’heure n’était pas à la parlotte.