Loin de ses petites habitudes, Erika sortait de sa zone de confort. Pourtant, ce n’était pas la première fois qu’elle se rendait au sein du Mur Rose. Mais elle aimait trop son appartement sous les toits, certes étriqué mais confortable, pour être à l’aise si loin de cette bulle de solitude et d’indépendance. Et pourtant, Dieu sait que la jeune femme passait son temps à se plaindre de la routine et de l’ennui du quotidien quand elle n’avait que de la paperasse et des rondes à faire à Sina. Mais râler occupait son temps et ses pensées, donc elle continuait même quand on l’envoyait accomplir les missions les plus stimulantes : trop longue distance à parcourir, collègues à supporter même la nuit dans des dortoirs inconfortables, manque de liberté pour la planification de sa journée…

Cependant, la soldate ne laissa rien paraitre quant à son inconfort en arrivant au camp d’entrainement militaire où on l’avait envoyé. Accompagnée de deux autres soldats, elle devait rendre compte des potentialités des futures recrues. Notamment la promotion en dernière année de formation et plus particulièrement encore de ceux ayant les meilleurs résultats. Donc les plus à même de rejoindre les Brigades Spéciales. Ce n’était habituellement pas à la cheffe d’escouade de faire de genre de choses, mais manque de personnel oblige. Par ailleurs, on lui avait aussi glissé d’essayer de récupérer quelques informations sur la fameuse nuit de rébellion. Y avait-il eu des comportements et mouvements suspects ? Erika trouvait ça plutôt absurde : après tout, elle pouvait elle-même être une rebelle et relayer de fausses observations. Tout le monde était suspect.

Arrivée la veille au soir, la petite escouade de Sina débuta sa journée par un entretien avec l’instructeur principal, qui leur présenta en quelques mots les meilleurs éléments de la promotion, à partir des résultats des plus récents examens théoriques de ces derniers. Puis, ils assistèrent à un entrainement de combat au corps-à-corps. Rapidement, la jeune femme fut rattrapée par ses propres souvenirs et projetée plusieurs années en arrière, à l’époque où elle était à la place de ces jeunes recrues. Cette période transitoire durant laquelle elle s’était évertuée à se construire sur des fondations vides avait été si particulière pour la soldate. Elle ne savait toujours pas si cela avait été un souffle rédempteur ou une torture. Absorbée par ses pensées, ce ne fut que l’annonce du déjeuner qui la ramena à la réalité.

Après un repas habituellement médiocre, Erika eut quartier libre. Pendant ce temps-là, les apprentis-soldats accomplissaient leurs corvées de début d’après-midi. Bien contente que ce temps soit révolu pour elle, la jeune femme décida de s’éclipser discrètement pour trouver un lieu propice à sa petite sieste journalière, histoire de se remettre d’aplomb avant la démonstration d’utilisation du dispositif tridimensionnel.

La soldate tourna en rond un petit moment, croisant du monde dès qu’elle repérait un endroit sympa ; autant à domicile elle s’en fichait pas mal qu’on la voit dormir, mais ici elle était censée faire bonne figure. Agacée de ne rien trouver à sa convenance alors que son précieux temps de repos s’amenuisait à vue d’œil, Eri jeta son dévolu sur ce qui semblait être un local de rangement, un peu à l’écart du reste des bâtiments. Ce choix lui parut finalement satisfaisant dans la mesure où la poignée s’était détachée de la porte pour tomber au sol : il devait être vieux et peu entretenu, et donc non fréquenté. Ce fut donc sûre d’elle que la cheffe d’escouade raccrocha la poignée, la tourna, entra. Et ne put retenir un cri de surprise à moitié étouffé en constatant que sa théorie était fausse.