Elle détonnait dans le paysage, elle en avait bien conscience alors qu'elle descendait de la calèche tenant d'une main sa jupe et de l'autre celle du cocher qui l'aidait à descendre. Elle n'aurait pas dû se trouver ici, ce n'était pas sa place on attendait plus son genre de vision dans un salon élégant, sous la lumière des chandeliers d'une salle de bal ou encore, les rues soignée de l'enceinte de Sina. Certainement pas dans le Mur Rose et encore moins devant le QG du fort peu apprécié Bataillon d'exploration. Et pourtant, elle y était bien dans toute la délicatesse de ses dentelles, détonnant somptueusement dans son environnement. Si les recrues et soldat.es présent.es à l'extérieur du QG avaient désiré l'ignorer, cela leur aurait été particulièrement difficile.
Les regards curieux ne dérangeaient pas Wilhermine, elle n'avait pas particulièrement cherché à se faire discrète pour sa visite au Bataillon, pas pour cette fois. La jeune femme avait une excellente raison de venir après tout, elle impliquait certes la mort d'une personne mais cela ne l'empêchait pas d'apprécier grandement l'occasion qu'elle lui conférait. Autant pour mettre en place ce qu'elle espérait être une relation commerciale fructueuse, et de l'autre prendre la température concernant un projet plus… personnel.

Wilhermine Weber aurait eu du mal à reconnaître Katerine Volkov si elle ne s'était pas présentée, elle avait tellement changé depuis la dernière fois qu'elle l'avait vu. Elle aussi était alors bien plus jeune, et la puberté ne l'avait alors pas heurté avec toute la violence transfigurante dont elle était capable. C'était un sourire sincère qui accueillit la brune, illuminant le visage de la blonde.

-Kate ! Cela fait tellement longtemps, je suis si contente de te revoir ! Je ne t'aurais pas reconnue si tu ne t'étais pas présentée.

L'accueil n'était pas exactement des plus chaleureux, mais en fallait plus beaucoup plus pour refroidir Wilhermine, sous les dentelles et la soie qui enveloppaient la silhouette délicate il y avait des crocs et des griffes qui ne lâchaient rien.

-Oh, c'est vrai que cela fait si longtemps ce n'est pas surprennant que tu ne me reconnaisses pas. Je suis Wilhermine Iselfried Weber, la fille de Geralt Weber.

Les deux jeunes femmes avaient parcouru les mêmes cercles sociaux durant leur enfance et le début de leur adolescence. Et Katerina avait laissé une forte impression sur la petite Wilhermine, elle avait eu dès le début de l'affection et une forte appréciation pour la petite fille indomptable.

-Nous avons eu de nombreuses fois l'occasion de nous côtoyer lorsque nous étions enfants.

Peut-être que cela suffirait à raviver des souvenirs chez la membre de la brigade d'exploration, ou peut-être pas. Au fond cela ne changeait pas grand chose à la situation.

-Oui, bien sûr je m'en voudrai de te faire perdre ton temps. Je dois avouer que je ne viens pas simplement pour une visite de courtoisie. Tout d'abord toutes mes condoléances pour la perte de ton grand-oncle, je n'ai pas eu la chance de pouvoir le côtoyer mais mon père ne m'en a jamais dis que du bien. C'était un partenaire d'affaires qu'il appréciait sincèrement, la nouvelle de son décès m'a beaucoup attristée.

C'était vrai, la perte du partenaire de son père après le décés de ce dernier avait ravivé la douleur de la perte d'une manière que Wilhermine n'avait pas anticipé.

-J'ai préféré venir apporter les documents concernant le domaine viticole en personne afin de te les remettre en main propre.

-Effectivement, il s'agit bien de l'activité principale de ma famille.

Ce n'était pas un secret que Katerina n'avait jamais particulièrement apprécié la vie, ni la compagnie de l'enceinte de Sina. Clairement le temps n'avait eu aucun effet sur ce ressentit, certaines choses ne changeaient juste pas il fallait croire. Cela ne dérangeait pas Wilhermine, pas le moins du monde, la franchise de Katerina lui avait toujours plut. Il s'agissait de quelque chose de tellement satisfaisant dans leurs sphères d'origine, quelque chose que la jeune blonde ne pratiquait guère. Une question de survie, certes, mais cela ne voulait pas dire qu'elle n'appréciait pas de telles choses.
La réaction de la jeune rousse la surpris au plus haut point, elle avait cru que l'on avait annoncé la nouvelle depuis un moment. Après tout il s'agissait d'un membre de sa famille et elle avait une place de premier choix dans les dernières volontés de ce dernier. Bon Dieu… mais qu'est ce qu'ils avaient foutus chez les Volkov et les notaires ? Comment se faisait-il que Wilhermine soit bien plus au courant de ces affaires que Katerina, alors que son implication n'était pas directe ? Ce n'était en aucun cas à elle de remplir ce rôle.

-Je… Je suis navrée Kate, sincèrement. Je pensais que l'on t'avais déjà mis au courant, je ne me serais jamais permise de venir ainsi autrement.

Elle était sincère, confusément et douloureusement sincère, en colère aussi contre les responsables de son manque le plus total de manières et de tact en conséquences. Son but n'était pas de blesser Katerina, absolument pas, mais il semblait que ce soit bien le résultat. Wilhermine acquiessa aux paroles de la rousse avant de la suivre docilement et sans protester, la calèche l'attendrait le temps qu'il faudrait et puis elle était venue pour parler après tout.

La jeune blonde profita de cette visite impromptue pour récolter quelques informations qui pouvaient être utiles. L'état génral des lieux par exemple, mais aussi des tenues des recrues qu'elles croisaient sur leur chemin. Qualité du tissu, si les uniformes avaient été reprisés ou s'ils étaient neufs, la figure générales des recrues aussi. Cela la renseignerait sur l'état des caisses, même si elle se doutait bien que ce ne devait pas être très reluisant et certainement pas suite aux derniers évènements. Les choses continuaient de tourner malgré tout, c'était une bonne chose.

Whilhermine n'intervient pas durant la démonstration d'autorité vocale de Katerina sur les jeunes gens, elle l'observa même avec une certaine approbation ce n'était pas tous les jours qu'elle avait l'occasion de voir une femme s'imposer ainsi. Ce n'était pas pour lui déplaire, et la confortait dans son impression que Katerina était une personne sur laquelle elle ferait bien de garder un oeil. En cet instant elle voyait presque le potentiel et l'énergie de la jeune femme déborder et bouillonner.
Elle offrit cependant un petit sourire rassurant et faussement embarrassé aux jeunes gens qui partaient la queue entre les jambes avant de recevoir une volée de bois vert de la part de la rousse. Il fallait bien qu'elle garde un peu de sa persona en public, même en dehors du Mur Sina elle devait faire attention à son armure. Elle était une délicate et fragile fleur, totalement innocente et bienveillante après tout, ses traits angéliques n'étaient pas menteurs.
La blonde pris place sur le banc de bois simple avec toute la grâce et l'élégance que des années d'éducation comme une parfaite petite demoiselle de Sina avaient instillé en elle. De telles manières achevaient vraiment de marquer à quel point la présence de la jeune femme était détonnante dans cet environnement.

-Allons, c'est largement suffisant il n'y a pas besoin de plus.

Elle avait certes connu bien plus confortable et fastueux, mais l'endroit était tout bonnement immaculé et assez agréable. Et puis elle était ici dans un cadre professionnel, son confort personnel n'avait que peu d'importance, ce qui importait était l'échange qui allait suivre.

-Bien. J'ai apporté les documents concernant La Retraite de l'Ermite.

Dans des gestes toujours mesurés et gracieux Wilhermine Weber sortit de son élégante sacoche en cuir, un porte épais vert bouteille décoré de dorures qu'elle glissa ensuite vers Katerina.

-Il y a toutes les informations dont mon père disposait. J'ai étudié l'affaire, donc si tu as des questions je ferai de mon mieux pour y répondre.

Wilhermine écouta Katerina exprimer sa colère et son ressentiment envers le reste de la famille Volkov dans un silence respectueux. Elle n'émit pas un son, pas une objection, écoutant simplement ce que Katerina avait à dire. Et elle comprennait, elle comprennait parfaitement la colère et la rage bouillantes de la jeune femme, son ressentiment envers sa famille. Elle n'aurait pas vécu les choses autrement si les siens avaient agis ainsi à la mort de son père, au-fond ils n'en avaient pas eu l'occasion Wilhermine était bien trop proche de Geralt et ce dernier avait trop bien veillé aux arrières de son enfant pour qu'ils puissent tenter quoi que ce soit. Mais la blonde ne doutait pas certains d'entre eux se seraient jetés sur son héritage et elle comme des requins sentant du sang dans l'eau.
Fumiers semblait un terme trop léger pour qualifier les membres de la famille biologique de Katerina. Mais Wilhermine ne doutait pas que tôt ou tard elle leur ferait amèrement payer leurs nombreuses insultes, après tout c'est ce qu'elle ferait à sa place, s'appliquer à détruire méthodiquement ceux qui l'auraient offensé.
Si quelqu'un devait porter le ban de la honte dans la famille Volkov, ce n'était certainement pas Katerina. Elle était peut-être la brebis noire, mais elle arpentait fièrement la terre, tête haute couronnée de sa ramure qui effrayait tant le reste du troupeau, les yeux brûlants d'une faim insatiable et inextinguible franche, le manteau de laine noire et d'opprobre était son brocart de carmin et d'hermine. Wilhermine avait senti cela durant leur enfance, d'une manière plus diffuse et distante que maintenant, mais la jeune enfant qu'était Katerina Volkov avait laissé une impression inoubliable sur la petite Wilhermine. Elle ne l'avait pas oublié, même quand leurs chemins s'étaient séparés et que les années étaient passées à une vitesse ahurissante changeant de manière profonde leur monde, et elles au passage. Elle n'avait pas oublié l'incendie dévorant qui couvait dans les jeunes prunelles de cette petite fille. Cette flamme qui ne demandait qu'à embraser l'univers pour tout dévorer, que rien n'avait su étouffer ou éteindre. La jeune Weber était heureuse de retrouver ce brasier.

Ah oui, il était clair que Katerina Volkov n'avait pas le don d'ubiquité, pas plus que Wilhermine ce qui pourtant se serait certainement révélé plus qu'utile pour elles deux. Et la membre du Bataillon d'Exploration avait déjà bien assez à faire avec son emploi actuel, même si le contexte politique clouait quelque peu le Bataillon sur place et limitait grandement leur champ d'action. Oui, on ne pouvait pas dire qu'ils avaient d'autres choses sur le feu que le développement de l'industrie vinicole et des taux d'écoulement actuels dans les Murs.

-Certes dans ce cas particulier la gestion directe me paraît être… compromise. Mais il existe des solutions, comme passer par un substitut. C'est ce que je fais actuellement, comme je ne peux pas être présente partout et tout le temps, je délègue à des personnes de confiance. Cela ne m'empêche pas de vérifier régulièrement et de demander des rapports précis et complets, mais disons que ça réduit quand même assez la masse de travail. Et je sais aussi que ton grand-oncle se reposait aussi beaucoup sur son comptable, il connait le domaine sur le bout des doigts et pas que sur l'aspect des chiffres.

Wilhermine marqua une pause pour laisser bien le temps à Katerina d'intégrer les informations qu'elle venait de lui transmettre.

-Et rien ne t'oblige aussi à assumer le rôle de propriétaire du domaine et sa charge. La vente reste une option tout à fait viable, il se porte très bien et commence à avoir sa petite renommée tu pourrais en tirer un très bon prix. Je dois cependant t'avouer que ce n'est pas l'issue que je privilégierai, mais je ne suis pas neutre dans cette affaire.

Clairement, la jeune Weber avait quelques intérêts dans l'affaire, elle en gérait une partie que diable !