C’était une journée normale. Peut-être banale pour certains, mais cette normalité, ce manque d'événements marquants, c’était exactement ce dont Katerina avait besoin. Une routine, des objectifs simples mais réalisables pour chaque journée, pour se reconstruire, morceau après morceau. Cela lui faisait du bien, de ne penser à rien. Juste à ses tâches de la journée, qu’elles concernent les écuries, l’épluchage de pommes de terre ou du ménage ; des tâches physiques, qui lui occupaient bien le cerveau et la laissaient complètement lessivée le soir, si bien qu’elle n’avait guère de mal à s’endormir. C’était seulement pendant les repas qu’elle ressentait de nouveau le vide, et ce n’était pas que métaphorique. Que cela lui manquait, de discuter avec animation avec ses frères d’arme et d’escouade pendant les repas. Mais surtout. Elle voyait à quel point les rangs du Bataillon avaient été décimés, le réfectoire paraissait déserté comparé à sa fréquentation habituelle. Un mémo dur, poignant, de ce qu’il s’était passé. Souvent elle se dépêchait de manger, allait prendre un peu l’air, puis retournait à ses corvées. C'était trop difficile pour elle encore. C’était la première fois qu’elle était aussi touchée par une expédition qui avait mal tourné. Mais ça irait mieux. Ca allait déjà mieux. Un pas après l’autre. Sans se brusquer.

Alors la rousse ne pouvait qu’apprécier une journée tranquille comme celle-ci. Néanmoins, cette journée fut tranquille uniquement jusqu’au déjeuner. “Hey, Volkov, un papier pour toi.” lança un autre soldat, plus gradé qu’elle, et qui venait d’arriver au réfectoire. Sa curiosité piquée, elle déplia la missive, et ses yeux s’écarquillèrent. Pour une surprise, c’était..une surprise. Elle aurait du s’en douter cependant. Sans escouade depuis le retour  d’expédition, il était évident qu’elle allait être affectée à une unité pré-existante. Personne de sensé ne lui confierait une équipe à diriger, pas dans l’état actuel. Il y avait trop de “trop” chez elle en ce moment. Trop tête brûlée, trop prompte au sarcasme, trop tout. En plus, elle n’avait jamais vraiment eu d’ambitions de ce genre. Cependant, c’était plutôt la nature de son affectation qui la surprenait. De toutes les escouades et équipes encore en fonction, Katerina n’aurait certainement pas pensé qu’elle serait affectée à celle de Hanji Zoé. L’étude des Titans. On aurait cru une mauvaise blague. Les Titans l’empêchaient d’aller au-delà des murs, les titans lui avaient pris Immanuel et le reste de son escouade. Et maintenant, elle se retrouvait sous les ordres de la spécialiste en titans du bataillon. Comme quoi, les voies de l’administration restaient impénètrables. Il y avait sans doute une raison à cette mutation..mais elle était bien incapable de la saisir maintenant. Et puis, son boulot n’était pas de réfléchir. Non ?

Mais ce n’était pas tout. “Prière de vous présenter à votre nouveau chef d’escouade dès que possible.” Bon..très bien..C’était logique, elle n’allait pas faire le fantôme jusqu’à la prochaine fois où on pourrait avoir besoin d’elle. Ce n’était pas, n’est-ce-pas, pas très professionnel. Et la rouquine estimait avoir assez de casseroles au derrière pour ne pas en rajouter une couche. Bon, au moins elle n’avait pas fini chez n’importe qui non plus. Il était connu que Hanji Zoé était une sommité en matière de titans, et rien que cela, Katerina pouvait le respecter. Donc, elle n’allait pas lui faire faux-bond.  Et c’est pourquoi elle prit la direction du bureau de la cheffe d’escouade, non sans épousseter rapidement sa veste. Elle avait peut-être une réputation de tête brûlée, mais au moins, elle n’était pas négligente, on pouvait lui reconnaître ça. Et pourtant, elle était un peu confuse. Nerveuse. Timide elle ? Pas du tout. Alors pourquoi bloquait-elle devant la porte ? Parce qu’elle aurait préféré qu’on la laisse lécher ses plaies tel un animal blessé ? Possiblement. Mais elle était à l’armée, elle n’était pas là pour être mise dans du coton.

Alors, prenant une grande inspiration, elle frappa trois coups qu’elle voulut fermes sur le bois de la porte.

“Chef d’escouade Zoé !" Allez Kate tu peux le faire. “Puis-je vous voir une minute ?” Peut-être qu’elle bafouait une quelconque règle de protocole. Mais au fond. Le protocole et Katerina, ça faisait soixante-quinze, donc...

Tout d’abord, il n’y eut que le silence. Le silence qui lui fit croire que la pièce était vide, qu’elle devrait réessayer de venir plus tard. Comme si ce n’était déjà pas assez difficile comme ça. Peut-être que c’était ce qu’elle aurait préféré au fond, même si ce n’était pas conscient. Il ne fallait pas la brusquer, la rouquine. Ou alors elle devrait fouiner dans la base à la recherche de quelqu’un qui pourrait l’aiguiller. Peut-être aussi que la cheffe d’escouade dormait sur son bureau, ce n’était pas impossible après tout. Elle devait être sacrément occupée, probablement épuisée depuis que le Major prenait des vacances au frais. Quel cirque. Dans les deux cas, elle risquait fort de perdre une bonne partie de son après-midi. JOIE ! Elle qui n’aimait pas rester sans rien faire..

Mais non. Hanji Zoé était bien là à l’appel, comme elle le prouva en lui disant d’entrer. Déjà, premier bon point pour elle, ça ne sonnait pas comme un ordre, mais une invitation. Ca lui donnait presque envie de venir dans la pièce, aussi poussa-t-elle la porte..

Pour être prise de l’envie immédiate de se retourner et de s’enfuir très loin. Le bureau de la spécialiste des Titans était un énorme capharnaüm. Elle était très loin d’être aussi maniaque que le Caporal, mais voir tous ces papiers, vêtements et autres choses non-identifiées (non-identifiables?) dans un désordre indescriptible, cela lui donnait une furieuse envie de nettoyer et de ranger. Ca ne pouvait pas être sain, de travailler dans un environnement pareil ! Est-ce que les fenêtres avaient été au moins ouvertes récemment ? Qui pouvait le savoir ?

Ne regarde pas, ne regarde pas, ne regarde pas. Note pour elle-même, si la cheffe d’escouade lui proposait de s’assoir, il valait mieux refuser - des fois qu’une seringue soit perdue sur un siège ; tout était possible ! Ne regarde pas le désordre, ne regarde pas, ne regarde pas-

Et la voix de sa nouvelle supérieure retentit à nouveau, attirant son attention loin de la pagaille environnante. Amicale. Cette voix était presque un îlot de paix au milieu du chaos, reposante...Surtout qu’Hanji Zoé souriait. C’était tellement rare et inattendu ces derniers temps que la rousse eut du mal à retenir un bref sourire. Sauf qu’elle était soldate, qu’elle s’adressait à sa supérieure qui lui inspirait assez confiance (malgré le cirque), et qu’à ce titre elle méritait un salut convenable, que Katerina exécuta de suite, et de façon impeccable. C’était du sérieux. C’était le signe qu’elle offrait son cœur à l’humanité, et à ce titre, il fallait le faire correctement.

“Soldate Katerina Volkov, au rapport.” Calme-toi Kate. “On m’a affectée désormais à votre escouade. Allez, le plus dur était à venir. “J’a- j’appartenais auparavant à l’équipe de Sven Morgenstern.”

Par pitié ne demandez pas de détails. Parler au passé était déjà trop dur, sa voix avait failli la trahir, elle avait du se reprendre avant de pouvoir terminer sa phrase. Aurait-elle du s’abstenir de faire cette précision ? Ou était-ce le premier pas vers l’acceptation ?

La réaction de la cheffe d’escouade ne se fit pas attendre. A peine Katerina se fut-elle présentée que sa désormais supérieure bondit sur ses pieds ; et si elle ouvrit la bouche pour parler,elle s’arrêta bien vite une fois que la rousse mentionna son ancienne affectation. Elle ressentit une vague de soulagement l’envahir. Elle n’avait pas à mettre les mots sur l’horreur de la dernière expédition, raconter sa perte, non. Parce que Hanji savait. Elle faisait partie des vétérans du Bataillon après tout. Aucun mot n’était nécessaire. Un simple hochement de tête, qui voulait tout dire - c’était peu et c’était déjà beaucoup.  Katerina n’avait jamais eu le malheur de tomber sur des supérieurs trop curieux, mais la seule fois où un autre soldat (même pas une recrue au temps de ses années de formation ! un soldat chevronné) avait osé la questionner sur ses origines, il l’avait amèrement regretté.  Les fouineurs, elle les détestait. Ils étaient tous soldats du Bataillon, tous pareils, pas de favoritisme. Autant dire qu’elle avait refusé de lui adresser la parole pendant des semaines après ça.  Rancunière ? Certainement. Elle n’avait pas à débattre de sa légitimité à faire partir du Bataillon d’Exploration. C’était sa vocation, rien de plus, rien de moins.

Je rêve, fut sa première pensée lorsque Hanji annonça “avoir oublié” qu’elle devait arriver, en même temps qu’elle ressentit une vague d’indignation. Oublié ! Oublié ! Ah non, c’était trop facile ça. En même temps vu le désordre sans nom qui régnait, rien d’étonnant à ce que son dossier soit introuvable ! Elle ne se serait pas cru si égocentrique, mais là c’était un peu fort - depuis combien de temps cette paperasse était-elle apparue dans le bureau de la cheffe d’escouade, pour qu’il soit si facile de la perdre ? Katerina pinça les lèvres, retenant un commentaire bien vache. Non Kate, lui souffla une petite voix - la plus raisonnable, celle qui ressemblait presque à la voix d’Immanuel. Mais elle bouillonnait, sentait presque la vapeur monter, elle allait finir par craquer -

Jusqu’au commentaire suivant de la cheffe d’escouade. Toute sa tension retomba d’un coup, comme un soufflé. Elle en aurait presque ri. Voilà une attitude qu’elle appréciait ! La paperasse, c’était long et embêtant et ça prenait inutilement de la place ! Et puis, ça voulait dire une chose - Hanji avait parcouru son dossier et visiblement rien ne l’avait rebutée, parce que clairement elle aurait pu dire non en voyant certaines remarques - surtout de ses anciens formateurs. Ahaha.  Finalement, peut-être bien qu’elles allaient bien s’entendre. Surtout qu’elle n’était pas si compliqué, au fond. Il ne fallait pas lui tenir la bride trop serrée ou elle regimbait, c’était tout. Elle ne se sentait jamais aussi bien que lorsqu’elle avait un peu de latitude pour agir.  Son précédent chef d’équipe, justement, avait choisi que ses consignes la concernant étaient “ne mets personne en danger, toi y compris”, et le message était très bien passé. Elle avait appris sa leçon. Bon on n’était jamais à l’abri d’une surprise lors d’une expédition, mais si elle pouvait éviter de se mettre volontairement dans une situation pas croyable, ça serait bien. Elle ne se lançait  face au titan que si elle était sûre de son coup.

“Des questions ? Eeeuh...”  Oups, ça non plus n’était peut-être pas très professionnel. “Ah euh oui ! Est-ce vous avez des consignes ou  protocoles particuliers lors des tests sur les, hum, sujets d’expérience ?”  Peut-être que c’était un peu déshumanisant pour les titans qui finissaient entre les mains de l’escouade, mais bon. Hein. “Je veux dire, en mission je me doute que le but est de capturer des titans et d’éviter de les tuer sauf incident majeur, mais pendant les expériences, je suis un peu curieuse.”  Eh, elle essayait ! Si elle devait rester à distance, porter quelque chose pour se protéger les yeux ou le visage, il fallait qu’elle le sache ! “Ah et aussi, sur quoi vous travaillez en ce moment ? Vous faites des tests sur Jäger ?"  Elle ne voulait pas être à la ramasse et gêner tout le monde par son manque d’informations.

Elle était adoptée. Katerina ne put s’empêcher de penser, alors que sa désormais supérieure lui attrapait les mains. Pour un peu elle était attendrie. Ca faisait longtemps qu’elle n’avait pas vu d’officier aussi humain. En même temps, lui soufflait une petite voix (la sienne cette fois), à côté du caporal Livaï, n’importe qui pourrait paraître humain. C’était gratuit, mais vrai.  Bon maintenant, elle n’avait plus qu’à essayer de chercher les autres soldats de sa nouvelle escouade pour se présenter, ça pourrait être une bonne idée. Et peut-être prouver qu’elle n’était pas là que pour faire joli. (Non pas qu’elle se trouvât jolie, mais voilà.) Elle n’était peut-être pas grande scientifique dans l’âme, mais elle savait réfléchir, elle pouvait avoir de bonnes intuitions et réfléchissait parfois en dehors du cadre. Et puis, ses talents en tridimensionnalité n’étaient plus à prouver. Ca voulait dire qu’au lui de trancher la nuque du titan pour l’abattre, elle pouvait s’arrêter au fait de restreindre ses mouvements et quand même s’en sortir indemne.  Enfin pour le moment, il fallait surtout qu’elle se sorte indemne de sa rencontre avec la tornade nommée Hanji Zoé..

“Ah oui, euh, merci ! Vous permettez, je range un peu avant.” Oui voilà c’était sorti, ça la démangeait, et elle n’allait pas s’assoir sur un siège complètement occupé non plus. Coup de chance, il n’y avait que des papiers sur la chaise - qu’elle prit néanmoins avec beaucoup de précautions (on sait jamais, des fois qu’un objet tranchant ou piquant soit caché à l’intérieur) et déposa à proximité en un tas bien net. C’était horrible, elle avait envie d’arriver avec son seau, sa serpillière et ses chiffons pour faire du ménage pour sa chef d’escouade. Help. (Comment ça elle se contredisait elle-même, alors qu’elle s’était juré de ne pas s’assoir ? Parce que tout simplement, vu comment Hanji était partie, Katerina risquait de s’effondrer avant la fin si elle restait debout.) Bon allez, elle pourrait peut-être glisser l’idée qu’elle range à la fin de cette rencontre. Ou le lendemain. Ca la stressait.

Bon, apparemment, la première chose à faire en sortant d’ici était de trouver le dénommé Moblit. Elle ne savait pas si un jour les expéditions allaient reprendre un jour, mais en attendant il valait mieux savoir comment mener à bien une expérience. Mais les recommandations de sa cheffe d’escouade étaient très simples, et logiques, et compréhensibles. Les expériences pouvaient être dangereuses pour la personne qui les conduisaient, donc il s’agissait de ne pas faire n’importe quoi. Si elles reprenaient un jour. Elle n’était pas aveugle, elle pouvait voir la détresse d’Hanji - elle ne la comprenait que trop bien. C’était pareil pour elle. Elle n’aimait pas se sentir enfermée comme ça, elle n’aimait pas savoir qu’on les voyait comme des criminels, elle n’aimait pas que les expéditions soient interdites. Le pire, c’était de savoir qu’il n’y avait rien qu’elle pouvait faire  Elle n’avait aucune influence auprès de ceux qui décidaient. Alors elle hochait la tête, pleine de sympathie - et toute ouïe. Elle n’avait pas la passion des Titans et ne l’aurait sans doute jamais, mais elle aimait l’idée d’accumuler le plus de connaissances possible. Surtout que les Titans restaient un mystère. Et Katerina détestait l’inconnu, l’insondable. Ce qui lui résistait.

Elle s’installa plus confortablement sur sa chaise, avec un “Très bien.”Peut-être qu’elle aurait du râler à l’idée de se faire rabâcher ce qu’elle avait appris sur eux pendant sa formation, mais...mais il y avait un logique. On part de ce qui est connu, voire reconnu, puis on s’avance vers des choses plus récentes qui comportaient encore une importante part d’inconnu. Des parallèles pouvaient être établis, des hypothèses pouvaient être établies. (Et elle nota que se présenter à Eren Jäger en bonne et due forme ne serait pas non plus une mauvaise idée. Autant qu’ils fassent connaissance avant qu’elle ne soit amenée à assister à des expériences sur lui. Pauvre petit, ceci dit.)  Et là aussi, elle réfléchissait. Comment les titan shifters pouvaient-ils exister ? Quelle était leur logique ? Ils pouvaient contrôler leurs titans là où un titan ne se laissait aller qu’à ses pulsions dévorantes, ah, ils pouvaient utiliser leurs mains pour attraper leur cible, aussi mais..

“..Attendez une minute !” lança-t-elle en se redressant sur sa chaise, comme frappée par la foudre. Adieu la politesse peut-être, mais elle avait l'impression que si elle ne parlait pas maintenant, ça serait compliqué pour elle de se faire entendre. Ce n’était pas que sa supérieure lui manquait de respect, c’est que Katerina avait déduit qu’elle faisait partie de ces gens qui une fois lancés sur leur sujet préféré, ne pouvaient s’empêcher de parler, parler, parler. Mais là, elle avait eu une idée. “Vous disiez que les titans n’ont rien qui pourrait créer la sensation de faim, ça veut dire qu’ils “mangent” juste pour le plaisir ? Ou par un genre de réflexe ?” Une perspective qui lui faisait froid dans le dos. Ils mangent juste pour jouer ? Pour s’occuper? Les milliers de vies perdues au-delà des murs, c’est juste un jeu pour eux ? “ Mais il y  a un truc qui coince. S’ils mangent sans avoir faim, juste comme ça, pourquoi ils ne s’attaquent pas aux animaux ? Il y en a plein dans le mur Maria !”  Rien que des cerfs, des oiseaux, des sangliers, elle ne savait pas. D’ailleurs ça, c’était la grande question. Pourquoi ne mangeaient-ils les chevaux du Bataillon pendant une expédition ? Pourquoi les titans ne mangeaient que les humains ?“ Qu’est-ce qu’on a que les animaux n’ont pas ? ” lança-t-elle d'une voix presque angoissée. Surtout qu’on ne pouvait pas dire qu’il y avait plus à manger chez un humain que chez un animal, justement à cause des chevaux qui faisaient minimum quatre à cinq fois le poids d’un humain.  Qu’est-ce qui différencie l’homme de l’animal ? La capacité à réfléchir ? Le fait de parler ? Qu'est-ce qui attirait les titans vers les êtres humains normaux ?

Pour un interlocuteur étranger, la discussion devait sembler bien étrange. Et bien barbante. Deux personnes qui parlaient de la pire menace de l’humanité : les titans. Il fallait tous les éliminer, un point c’est tout. C’aurait été le point de vue de Katerina - jusqu’à ce qu’elle rencontre le phénomène Hanji Zoé. L’enthousiasme de sa supérieure était contagieux - au point qu’elle arrivait à proposer ses propres idées et réflexions, alors qu’elle n’avait pour toutes connaissances que ce qu’elle avait appris pendant sa formation et ce qu’elle avait pu observer pendant ses propres rencontres avec ces créatures, en mission. Et pourtant, la cheffe d’escouade la..traitait avec respect ? Ecoutait ses idées ? C’était surprenant. C’était perturbant. Car combien de fois, à Mithras, lui avait-on dit “Non tais-toi tu n’y connais rien” quel que soit le sujet. Même maintenant. Les rares fois où elle était revenue pour voir Père. Hanji aurait pu lui parler comme ça, comme la rousse devait être plus jeune qu’elle d’au moins quoi ? Dix ans ? Facilement. Mais non.

Même si elle se retrouvait un peu...noyée sous les informations, elle devait bien l’avouer. Elle avait bien fait de poser ses questions avant, vu le débit de parole de la scientifique. Elle parlait, parlait, parlait, et si Hanji ne disait pas des choses si pertinentes et intéressantes (tant de choses en partant d’une toute petite réflexion qu’elle-même avait faite, ça forçait le respect), Katerina aurait sans doute crié grâce. Il y avait des limites à ce qu’elle pouvait engranger comme connaissances. Après, la réflexion sur l’instinct était quand même sacrément intéressante.  Elle aimait cette impression  de découvrir quelque chose de nouveau, de progresser, à chaque nouvelle phrase de sa supérieure. Elles réfléchissaient ensemble, se renvoyaient la balle -elles collaboraient. En espérant que ça se passe aussi bien avec les autres membres de l’escouade.

“Si les titans devenaient plus intelligents en nous mangeant, ça se saurait” , osa-t-elle plaisanter.“Après parfois ils sont surprenants… Une fois en mission avec mon équipe, j’en ai croisé un qui donnait l’impression de s’être caché derrière une maison pour  attraper l’un d’entre nous..Après c’est plus probable qu’il aimait bien cet endroit et qu’il a juste profité de l’occasion  mais..” Elle haussa les épaules."Est-ce qu’il savait qu’on ne pouvait pas le voir avant qu’il tende la main ? Qui sait ? Et puis les déviants sont quand même bizarres parfois..Quand ils ignorent une personne seule pour se précipiter vers un groupe plus conséquent… Ils savent qu’ils feront un meilleur repas qu’avec une personne toute seule ? ”  Bizarre en effet. “Après je ne suis pas scientifique, mais il y a peut-être quelque chose que les titans recherchent dans le corps humain...” Le sang peut-être, elle n’en savait foutrement rien. Elle n’était pas médecin, n’avait jamais eu vocation à l’être. Ce n’était pas son boulot. Elle, son boulot, c’était de tuer les titans. Ou plutôt, maintenant, de les capturer pour les étudier et percer leurs mystères.

“Ah sinon, ça n’a rien à voir avec les titans, mais pourriez-vous me parler un peu des autres membres de votre escouade  ? " Oui, quand même. Il était temps qu'elle y pense. “ C’est juste que j’voudrais pouvoir les rencontrer vu qu’on va bosser ensemble, et si je pouvais éviter de leur courir après à travers la base sans même avoir un nom..” La rouquine ne termina même pas sa phrase. Ca serait l’angoisse de demander “des membres de l’escouade de recherche sur les Titans” auprès d’autres soldats. Pitié. Elle n’était pas une lumière, mais un minimum de préparation ne ferait pas de mal. Elle voulait au moins de quoi les reconnaître. (Et supposait que Hanji fournirait son signalement au reste de l’escouade. A moins qu’elle n’organise une mini-réunion pour son intégration ? Elle ne connaissait pas les habitudes de cette escouade après tout.)

“Mais je vous ai interrompue, pardon.”  finit-elle en frottant sa nuque, gênée. Non pas qu'elle regrette cette petite digression, mais bon, sa cheffe d'escouade voulait quand même parler avant elle, à la base.